mercredi 9 avril 2008

L'Islam et la psychiatrie

L'Islam et la psychiatrie

Un article d' Oum al kheir


Exceptionnellement, cette chronique va aujourd’hui déroger à sa règle. Il ne s’agira pas de dresser le portrait d’un personnage de notre histoire, mais plutôt de vous raconter l’histoire d’une discipline, d’une science, du cheminement d’une pensée. Plusieurs noms vont se succéder, certains sont illustres, d’autres moins, mais tous ont contribué à développer la psychiatrie.
Le terme «psychiatrie» tire son origine des mots grecs : psukhê, qui signifie «l'âme», et iatreo, «je soigne». Ce qui donne, littéralement : je soigne l’âme. Ce terme fera son apparition au 19ème siècle en Allemagne d’abord pour s’étendre à toute l’Europe par la suite. C’est donc à partir du 19ème siècle qu’apparaît et se développe la psychiatrie en tant que branche de la médecine. Enfin…c’est ce que nous apprennent certains dictionnaires et encyclopédies.
Mais, en vérité, les troubles mentaux n’ont pas attendu le 19ème siècle pour apparaître. Alors, comment définissait-on les maladies mentales avant cette époque ? Et comment les malades étaient-ils soignés ?
Les sociétés de l’antiquité, ont considérés les troubles psychiques et les maladies mentales comme un mal, dans le sens maléfique du terme. Les malades étaient jugés possédés par des esprits malsains. Et c’est pour cela que la guérison devait se faire à travers la pratique de rituels magiques ou mystiques. Notamment l’exorcisme, dont la pratique demeure encore très répandue aujourd’hui.
Hippocrate, philosophe et médecin grec du 5ème siècle avant J-C, définira lui quelques perturbations psychiques et établira le concept de l’humeur. Pour Hippocrate , les humeurs sont au nombre de quatre : le flegme, le sang, la bile et l’atrabile. Les maladies mentales seraient alors le résultat d’un déséquilibre de l’humeur. Il établira même quelques tableaux cliniques de certains troubles psychiques, tels la frénésie, la léthargie, la manie et la mélancolie.
La théorie d’Hippocrate sur les humeurs fera des adeptes, dont le célèbre Galien, médecin grec du 2ème siècle. Il travaillera sur le même sujet mais y ajoutera le concept des trois esprits qui constituent la personnalité. Ils sont d’après Galien situés l’un dans le foie, l’autre dans le cœur et le dernier dans le cerveau.
Quelques siècles plus tard et à l’avènement de l’Islam, les savants musulmans amélioreront ce concept de l’appareil psychique et de la combinaison de la personnalité. La trilogie psychanalytique de Freud, le ça, le moi et le surmoi avait déjà été développée vers le 9ème siècle en une division de l’âme humaine : Annafs, en trois parties. Annafs Achirrira qui correspondrait au « ça », Annafs Allawama correspondant à la censure du « surmoi » et Annafs Almotma’inna correspondant au « moi »apaisé. Ces trois instances, ou cette combinaison de la personnalité humaine détermineront alors chez les médecins musulmans toute la problématique des troubles psychiques mais surtout toute la thérapie.
Car, en déterminant les troubles, le but était celui d’arriver à appliquer une thérapie. Ce sera d’abord Abou Bakr Mohamed Ibn Zakariyya Arrazi, savant du 9ème siècle qui rédigera tout un ouvrage consacré à la psychothérapie sous l’intitulé de « Attib Arrouhani », la médecine de l’âme.
Arrazi était un savant d’origine perse, il était comme tous les savants de l’Islam pluridisciplinaire : mathématiques, astronomie, philosophie, médecine, il avait touché à tous les domaines scientifiques. Mais, c’est particulièrement en médecine qu’il s’illustrera. Combien d’hôpitaux portent aujourd’hui son nom ?
Et c’est justement dans les hôpitaux que les malades mentaux seront traités au même titre que tous les autres malades. La civilisation musulmane avait développé le système hospitalier au 8ème siècle. Le premier hôpital musulman dans le sens moderne du terme sera construit en 706 à Damas, sous le règne du Khalife ommeyade Alwalid Bnou Abdilmalik.
L’hôpital s’appellera bimaristan, d’un mot d’origine perse, qui signifie « maison des malades ». Un siècle plus tard, les khalifes abbassides construiront à leur tour différents bimaristan à Baghdad. Et c’est ainsi que quelques décennies plus tard, toutes les villes et les capitales musulmanes se doteront chacune d’un ou de plusieurs bimaristan.
L’accès à l’hôpital était gratuit pour tous. Il fournissait bien évidemment les soins, mais aussi la nourriture avec des menus différents pour chaque pathologie. D’ailleurs, les soins par une alimentation saine et équilibrée faisait partie du traitement. Et les malades, dès leur admission, étaient débarrassés de leurs affaires, objets personnels et vêtements, ils pouvaient les récupérer à leur sortie mais durant leur séjour, l’hôpital fournissait une tenue spéciale. Hygiène oblige !
C’est ainsi qu’au moment même où l’Europe brûlait ses fous sur les bûchers parce qu’ils étaient, selon la croyance populaire, possédés par les démons, le monde musulman soignait ses malades mentaux dans des hôpitaux et dans des services spécialisés.
Les thérapies étaient différentes évidemment autant que les pathologies. Mais la base de toute thérapie autant médicale que psychiatrique se devait d’être à l’idée de celle établie par Ibn-Sina au 10ème siècle. Il avait dit en ce sens : Nous devons, considérer que l'un des meilleurs traitements, l'un des plus efficaces, consiste à accroître les forces mentales et psychiques du patient , à l'encourager à la lutte, à créer autour de lui une ambiance agréable, à lui faire écouter de la bonne musique, à le mettre en contact avec les personnes qui lui agréent, qu'il respecte et en qui il a confiance. »
Il semblerait aussi que ce soit Ishaq ibn Omrane, médecin maghrébin du 9ème siècle auteur d’un traité entier sur la mélancolie, qui a définit les grandes lignes de l'éventail thérapeutique psychiatrique, tels la : psychothérapie, la sociothérapie, la physiothérapie, et la chimiothérapie. Ce sera d’ailleurs l’un de ses élèves Ahmed Ibn Al-Jazzar, célèbre savant mais surtout pharmacien qui traitera de la pharmacothérapie dans un ouvrage volumineux, intitulé zad al-moussafir, la provision du voyageur. Un traité de botanique et de pharmacologie.
Mais, la thérapie la plus révolutionnaire reste certainement la musicothérapie adoptée dans les hôpitaux psychiatriques et ceci dès le 10ème siècle.
Ikhwan Assafa’, les frères de la pureté, un groupe politique et mystique d’Irak, passe pour avoir été maître en la matière.
Ils auraient utilisé les premiers la musique pour distraire les tourments des malades mentaux. Certains sont même arrivés à classer les différents tempéraments des patients en fonction de leur réactivité à tel mode musical : maqam, ou à tel ou tel rythme : wazn ou encore à telle ou telle mélodie : mouwachah. Ils adaptaient alors leur thérapeutique en conséquence.
C'est ainsi que les divers concerts de musique offerts si largement aux malades mentaux dans les hôpitaux du Mashriq et du Maghrib deviendront un adjuvant thérapeutique nécessaire et de routine.
Je recomande le blog d'Oumm al Kheir qui est d'une grande richesse :
http://www.blog.ca/user/oumelkheir/

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher Habbib Matthieu,
Votre blog est un réel enrichissement intellectuel mais aussi un ravissement pour le coeur.
Merci pour ces beaux articles et tous ses liens intéressants. Yasmina

Caravan follower a dit…

Salut,

Avez-vous des articles concernant la pratique du soufisme et les biens en résultant ? Je suis dans cette pratique (peut être bientôt un Shaykh Insh'Allah) mais j'ai pas mal de soucis au niveau mental,pas psychotique mais j'ai des phobies,des angoisses ...

merci

Anonyme a dit…

Depuis quand la musique guérit l'ame? Nous savons très bien, nous les ahl assuna wal jamaâa, que la musique est la parole de Satan. La musique est interdite dans le Coran et dans les hadiths parce qu'effectivement elle nuit à l'esprit humain. Si par hasard on trouve un lien direct entre la musique et l'appaisement spritituel c'est parce que le diable qui est en nous veut nous donner cette impression pour nous éloigner de l'écoute du Coran. De plus un coeur rempli de musique ne peut pas performer dans les prières et c'est aussi le but du diable. La meilleur guérison sprituelle commence par s'addresser à Allah avec sincerité parce que c'est lui qui connait l'ame et c'est lui le meilleur guérisseur, purifier la foi en faisant les cinq prières obligatoires de preference à la mosquée pour les hommes, en lisant ou en écoutant le coran quotidiennement, en s'éloignant de tout interdit (musique, cigarette, alcool...)
Celui qui a écrit l'article est bien rusé en l'intitulant L'islam et la psychiatrie. Méfiez-vous!!

Habib Matthieu a dit…

Salam alaikoum,

il y a divergence quand au fait de considerer la musique illicite ou non et la encore il y a divergence quand aux instuments. Vous dites de facon anonyme, ce qui est domage pour quelqu'un qui parle au nom du Coran et de la sunna, que c'est la, la position des gens d'Ahl al Sunna wal Jamaa mais il y a divergences entre les quatres écoles sunnites.

Anonyme a dit…

Mr Habib Mathieu, je suis un inconnu, donc que je dise mon nom ou non revient au même. Merci!
Nous sommes en 2010 et nous savons la musique qui existe aujourd'hui sur la planète terre... et cette musique qui 'guérit' est interdite dans l'islam dans les quatres écoles puisque le Coran et les hadiths sont clairs la-dessus. Tu dis bien musique et pas chant!!. Oui il y a divergences pour le chant seulement!! D'ailleurs qu'est-ce que tu connais de ce groupe Ikhwan Alsafa pour que tu te bases sur leurs théorie de guérison. À quelle branche islamique ils appartiennent? Comment qu'ils sont considérés par les Ahl alsunna wal jamaâa?
Retournons à l'interdiction de la musique, tu peux visiter le lien suivant (désolé je ne sais pas si tu comprends l'arabe) :

http://www.youtube.com/watch?v=rQbnLkLxWjY

http://www.islamweb.net/ver2/Fatwa/ShowFatwa.php?lang=A&Option=FatwaId&Id=5282


Au plaisir.
Mahmoud

Habib Matthieu a dit…

Mahmoud,

l'article sur la psychiatrie et l'Islam est général et n'est pas une fatwa ou un traité de fiqh sur la question.

sur la musique, il y a quelques liens ci-dessous d'apres l'école malikite, laquelle je suis:

en arabe:

http://www.aslein.net/archive/index.php/t-5314.html

En francais:

http://www.doctrine-malikite.fr/forum/Un-eclaircissement-au-sujet-de-la-musique_m37421.html

Anonyme a dit…

J'ai lu rapidement la version arabe, les grands imams ne sont pas en grand désaccord, c'est interdit ou détestable et que la musique est, entre le bien et le mal, dans le mal. Seulement un imam soufi (Âyad Alshibli) qui l'autorise, avec tort à mon avis, dans quelques cas. (je suis contre les soufis)

C'était agréable commenter ton texte et comme tu as dit c'est un texte général mais il a fallu apporter le point quand même pour ne pas induire les gens dans l'erreur.

merci à toi

Mahmoud

Habib Matthieu a dit…

Mahmoud,

éffectivement c'est un avis général en Islam toutefois avec quelques nuances. Je laissse un lien en francais (en fait une traduction d'un avis du sheikh Fawaz Rabani).

http://sunnisme.over-blog.com/9-categorie-10899126.html

Le texte est toutefois comme tu l'a également remarqué un texte général sur le sujet et non une fatwa. Le lien est indiqué et il est possible de contacter l'auteur.

bien à toi.